La Surélévation des Immeubles en Copropriété

La surélévation d’un immeuble, technique encore trop peu mise en oeuvre malgré les évolutions législatives et réglementaires favorables nées notamment des deux lois Duflot de 2013 et 2014, est pourtant une opération au combien vertueuse au regard des attentes du développement durable et pas seulement sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan social et économique. Cette ancienne technique d’évolution de la cité, en berne depuis les blocages juridiques issus de la loi sur la copropriété promulguée en 1965 et la loi d’orientation foncière de 1967 qui posa les jalons de l’urbanisme réglementaire, présente l’avantage de permette de façon non traumatisante pour les populations citadines la nécessaire densification urbaine tout en leur permettant d’améliorer sans dépense leur patrimoine ! Il est donc temps de promouvoir à nouveau cette technique.

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De façon liminaire, la surélévation contribue à la valorisation des immeubles bâtis en leur permettant notamment :

 

  • de s’agrandir,
  • de créer des surfaces atypiques telles que des terrasses,
  • d’en profiter pour refaire à neuf la couverture.

La surélévation possède également des vertus au sens du développement durable, à savoir :

  • abonder dans le sens de la densification urbaine et donc lutter contre l’étalement urbain sachant que cette densification est l’un des axes du développement durable des villes inscrite dans la loi du Grenelle 2,
  • profiter de cette surélévation pour installer en couverture du niveau complémentaire des dispositifs de production d’énergie renouvelable de type éolienne, panneaux solaires, panneaux photovoltaïques ou récupérateur d’eau de pluie,
  • financer des travaux de réhabilitation ou d’amélioration, tels qu’ascenseur, isolation thermique, changement des menuiseries, chaudière collective, etc., dans des bâtiments du parc ancien par la vente de droits à construire à un opérateur spécialisé.

 

Les aspects législatifs

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L’ordonnance n°2013-889 du 03/10/ 2013 relative au développement de la construction de logement porté par l’ex-ministre Cécile DUFLOT a contribué à faire lever les blocages à la surélévation. En effet, elle a fait adopter une ordonnance « visant à faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement pour construire davantage de logements ». A ce titre, ladite ordonnance a eu pour objectif de lever les difficultés inhérentes à certains projets de densification. Désormais, l’autorité chargée de délivrer les permis de construire pourra déroger au cas par cas, aux règles du Plan Local d’Urbanisme relatives au volume, au gabarit et à la densité des constructions sur certains points, à savoir :

  • l’obligation de construire des places de stationnement pour les logements dès lors que le projet est situé à proximité des transports collectifs,
  • la transformation de bureaux en logements,
  • la surélévation d’un immeuble par alignement de son épannelage sur les constructions mitoyennes.

Par ailleurs, la Loi ALUR, ou Loi Duflot II, en son article 61, supprime l’accord unanime des copropriétaires du dernier étage et leur octroie un droit de priorité à l’occasion de la cession par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble des droits à surélever. Cette réforme législative devrait permettre de débloquer un certain nombre de projets de surélévation.

La Loi ALUR a également supprimé purement et simplement le Coefficient d’Occupation des Sols (COS) dans les PLU avec effet immédiat. La loi modifie l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme en supprimant le COS. Cette suppression du COS dans les PLU donne de belles perspectives au développement de la surélévation. En effet, désormais, les règles applicables en matière d’évaluation des droits à construire sont les règles de gabarit, de hauteur et d’emprise au sol.

Ce régime déroge de surcroît aux règles de sécurité, incendie et accessibilité pour la surélévation. En effet, l’ordonnance permet au maître d’ouvrage de solliciter auprès du préfet une dérogation aux réglementations portant sur :

  • l’isolation acoustique,
  • le passage du brancard,
  • les ascenseurs,
  • l’accessibilité aux personnes handicapées,
  • l’aération,
  • la protection des personnes contre l’incendie
  • les lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.

Le maître d’ouvrage doit justifier dans sa demande de l’atteinte des meilleurs objectifs possibles tout en ne portant pas atteinte ni en dégradant la situation du bâtiment ancien. Cela permet donc d’adapter les procédures à la singularité des projets de surélévation et vont dans le sens d’un urbanisme de projets.

 

Les perspectives

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L’étude de l’architecte Michel CANTAL-DUPART d’octobre 2010 intitulée « Le foncier de Paris peut-il être aérien ? Le surhaussement des immeubles » révèle que sur douze rues caractéristiques étudiées à Paris, il a été dégagé une capacité foncière aérienne d’environ 466 650 m² en respectant les plafonds fixés par l’actuel PLU.

En prenant en compte l’ensemble des difficultés à venir, la résistance des propriétaires et le temps nécessaire pour la maturation de ce projet, une réalisation d’environ 10% est envisageable dans des délais courts, soit 46 665 m², ce qui représente 584 logements de 80 m². Si on reporte cette proportion de 10 % calculée sur douze voies à l’échelle des 6 003 voies parisiennes, Paris recèle alors un potentiel de 292 000 logements de 80 m². Sachant que le nombre de logements parisiens a été estimé à 1 336 209, cela représenterait une augmentation de 20% !

Ce constat est aisément transposable à l’ensemble des grandes métropoles françaises qui, pour la plupart, ont des centres villes avec des densités bien plus faibles qu’à Paris.

 

Les constructions constituant une surélévation

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La surélévation d’un immeuble suppose la réalisation d’une construction, d’un ouvrage à caractère définitif entraînant un exhaussement des murs et de la toiture du bâtiment.

Or, la question se pose assez souvent de savoir si des travaux entrepris par un copropriétaire constituent ou non, en fait, une véritable surélévation soumise aux formalités plus contraignantes prévues à l’article 35 de la loi. Pour sa part, le constructeur est enclin à soutenir qu’il ne s’agirait que de simples travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble pour lesquels il lui suffit d’une simple autorisation de l’assemblée générale à la majorité de l’article 25 de la loi.

Les conflits de cette nature surgissent principalement à propos de l’aménagement de combles ou greniers, de terrasses ou de vérandas. Lorsqu’ils sont saisis du problème, les tribunaux recherchent si les travaux projetés doivent ou non aboutir à une surélévation au sens de la loi pour en déterminer le régime applicable (Cass. 3ème civ., 1er déc. 1993).

Selon les tribunaux, pour qu’il y ait une surélévation au sens de l’article 35 de la loi, il faut :

  • une construction en dur et non pas des structures légères démontables ;
  • une construction comportant une prolongation verticale de la façade au-dessus de la ligne de faîtage ;
  • la création de nouveaux locaux privatifs.

Ainsi, l’installation d’une véranda sur une terrasse privative n’est pas considérée comme une surélévation (Cass. 3ème civ., 9 mars 2005).

Les travaux d’aménagement de combles privatifs ne sont pas assimilés à une surélévation à défaut d’exhaussement de la panne faîtière (Cass. 3ème civ., 6oct. 1993).

Il en va de même de l’aménagement d’une terrasse devant un appartement au sixième étage dès lors qu’elle ne constitue pas un bâtiment en dur et ne comporte ni prolongation verticale des façades ni élévation de la ligne de partage du toit permettant la création de nouveaux locaux habitables ou la transformation de locaux non habitables en locaux habitables (CA Paris, 26 janv. 1997).

En revanche, les travaux d’aménagement de greniers peuvent créer une surélévation dès lors que leur aménagement et leur restructuration entraînent un exhaussement de la ligne de faîtage du toit de plusieurs mètres (CA Paris, 9 oct. 1997).

 

La nature du droit de surélévation

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Selon l’article 3 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, sont notamment réputés droits accessoires aux parties communes dans le silence ou la contradiction des titres le droit de surélever un bâtiment à l’usage commun ou comportant plusieurs locaux qui constituent des parties privatives différentes.

Cependant, l’article 3 de la loi n’étant pas d’ordre public, le droit de surélévation n’est réputé chose commune qu’à défaut de stipulation contraire dans les actes constitutifs de la copropriété, notamment dans le règlement de copropriété.

Il est donc possible, par convention, de stipuler que le droit de surélévation est réservé à titre privatif soit au propriétaire initial qui divise son immeuble en lots, soit à la société ou au promoteur qui construit cet immeuble, ou bien encore au propriétaire du dernier étage. Mais selon la jurisprudence actuelle, le droit de surélévation n’est reconnu privatif, par dérogation à l’article 3, qu’à la condition d’être érigé en un lot au sens de l’article 1er de la loi (Cass. 3ème civ., 22 mars 1995).

La loi prévoit les diverses hypothèses de mise en œuvre de la surélévation de l’immeuble, lesquelles peuvent être regroupées ainsi :

  • le droit est resté accessoire des parties communes : le syndicat peut l’exercer en vue de la construction soit de locaux à usage collectif, soit de locaux à caractère privatif ; mais la loi lui offre également la faculté d’aliéner ce droit au bénéfice d’un copropriétaire ou d’un tiers aux fins de construire ;
  • le droit a été contractuellement attribué en tant que lot privatif à un copropriétaire, lot à construire qui, dès l’origine de la copropriété, existe en tant que tel dans les actes constitutifs, notamment dans l’état descriptif de division de l’immeuble ; le titulaire de ce lot peut l’aménager librement, sous réserve de respecter les prescriptions de l’article 25 de la loi et du règlement de copropriété, pour la réalisation des travaux ;
  • le droit de surélévation, bien que demeuré accessoire des parties communes, a fait l’objet d’une réserve conventionnelle en faveur d’une personne déterminée, membre ou non du syndicat ; l’exercice du droit consenti à l’intéressé est strictement réglementé par l’article 37 de la loi.

 

La mise en œuvre

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Il convient tout d’abord de déterminer la finalité de l’opération, c’est-à-dire le sort à réserver aux futurs locaux à construire, puis de mettre au point les éléments techniques et financiers de la surélévation de l’immeuble.

Pour le syndicat, la finalité de l’opération est de parvenir à l’attribution des nouvelles parties privatives construites soit aux copropriétaires des lots existants soit à des personnes jusque-là étrangères à la copropriété.

La surélévation s’inscrit surtout dans le cadre de toute opération immobilière nécessitant l’obtention d’un permis de construire. Une demande de permis en se conformant aux prescriptions réglementaires édictées par le Code de la construction et de l’habitation devra être déposé par le maître de l’ouvrage. Cela implique le recours à un architecte, en veillant à ce que le projet de surélévation réponde à la prise en compte :

  • du respect des modalités de jouissance des copropriétaires ou à la destination de l’immeuble notamment à l’occasion des travaux avec éventuellement le versement d’une indemnité compensatrice au titre des articles 9 et 36 de la loi ;
  • des contraintes techniques notamment en termes de structure portante, d’accès par escalier et éventuellement ascenseur, de raccordement et de desserte des réseaux ;
  • des incidences de la surélévation à l’égard des tiers notamment vis-à-vis des problèmes de prospects au regard de la réglementation d’urbanisme et la réglementation civile, contrat de cour commune avec des propriétaires voisins, conventions de servitudes, etc.

Le dossier technique constitué permettra au maître d’œuvre de se prononcer sur la faisabilité technique et de chiffrer les coûts de construction au vu des propositions des entreprises et de l’avis de l’architecte.

De surcroît, le prix global d’un projet de surélévation intégrera des coûts complémentaires :

  • l’assurance, pour la période du chantier, puis pendant la garantie décennale,
  • la charge foncière s’il faut acheter les droits à construire,
  • la TVA immobilière,
  • les honoraires de l’architecte maître d’œuvre,
  • les coûts de géomètre, pour les relevés et mesures et la réécriture du règlement de copropriété,
  • les frais de notaire,
  • l’huissier de justice, pour constater l’affichage du permis de construire et l’état de l’existant, avant travaux,
  • les taxes d’urbanisme,
  • les frais de copropriété, tenue d’une Assemblée Générale spécifique.

 

En conclusion, la surélévation des immeubles en copropriété, certes opération vertueuse au plan du développement durable, certes opération désormais facilitée par les évolutions législatives et réglementaires, certes très belle opportunité pour les copropriétaires désirant financer les travaux de réhabilitation et d’amélioration de leur bâtiment, n’en demeure pas moins une opération complexe tant elle mobilise de compétences variées. Aussi, pour contourner cette complexité, il convient d’orchestrer de véritables tablées de conception pluridisciplinaire en étroite concertation avec les copropriétaires, le syndic, les élus, les riverains, le service instructeur, l’Architecte des Bâtiments de France, l’architecte de l’opération, le géomètre-expert, le notaire, les bureaux d’études et le maître de l’ouvrage pour parvenir à la bonne finalisation du projet. Il s’agit d’une véritable co-construction prenant la forme d’une « contractualisation » entre tous les acteurs.